Minimalisme japonais : comment vivre mieux avec moins
C'est à travers la culture et l'art japonais que j'ai découvert le principe de réduire à l'essentiel pour vraiment apprécier ce qui reste. Cette philosophie de vie, étrangère à notre culture occidentale de l'opulence, aide à mieux comprendre le minimalisme. Avec le minimalisme à la japonaise, voici comment j'ai compris qu'on pouvait vivre mieux avec moins.
Pourquoi réduire à l'essentiel ?
De nombreuses formes d'art et d'esthétique issues de la culture japonaise apportent l'idée de réduire à l'essentiel.
Par exemple, l'art de l'arrangement floral (Ikebana) consiste à mettre en valeur une seule fleur, au lieu de composer un bouquet de cinquante fleurs. La poésie japonaise (le tanka en 5-7-5-7-7 syllabes, ou le haiku en 5-7-5 syllabes) consiste à décrire un instant suspendu, une image, une sensation à travers très peu de mots. La cérémonie du thé se déroule dans un environnement épuré, ou seuls comptent les quelques accessoires, et les gestes du maître.
Le message que transmettent toutes ces formes d'art (et bien d'autres que je n'ai pas citées) est le suivant. En ôtant le superflu, on met l'essentiel en valeur, on le sublime. Ainsi, il est possible de le contempler, et de vraiment l'apprécier. Imaginez un diamant brut encastré dans la roche : vous pourrez vraiment l'apprécier une fois sorti de sa gangue, taillé et poli. De la même manière, la seule fleur arrangée avec l'ikebana est sublimée et peut exprimer tout son potentiel, parce que notre attention n'est pas retenue par les quarante-neuf autres fleurs. Même si elles sont toutes aussi jolies que celle que l'on a choisi.
Tout ceci est une question d'attention : plus on supprime le superflu, plus notre attention peut se porter sur l'essentiel. Et consacrer toute votre attention à votre essentiel est le meilleur moyen d'apprécier le moment, de ressentir de la gratitude et de contempler la beauté qui vous entoure avant qu'elle ne passe...
Le minimalisme à la japonaise
Le minimalisme est une manière d'appliquer cette philosophie à la vie quotidienne. Comment passe-t-on d'un poème très court à un intérieur propre et rangé, par exemple?
Dans l'art de la simplicité, la Française Dominique Loreau établit ce lien entre la philosophie japonaise du peu et les habitudes de notre vie quotidienne. De la même manière que l'Ikebana choisit une seule fleur à sublimer, le minimalisme conduit à sélectionner quelques objets essentiels à notre vie, et supprimer le reste. Dans un intérieur encombré, notre attention est dispersée dans toute cette pollution visuelle, ce qui nous empêche de vraiment profiter des objets que l'on utilise, et des moments ainsi passés.
Par exemple, admettons que je possède quinze tasses à thé, dont seulement trois ou quatre me plaisent vraiment. Déjà, je prendrai moins de plaisir à boire mon thé les onze fois où j'utiliserai une tasse qui me plaît moyennement. Ensuite, je risque d'être ennuyée quand je vais chercher ma tasse au milieu des autres tasses empilées, ou pour toutes les faire tenir dans le placard.
Mais si je me déleste des onze tasses de trop, et que je ne garde que mes quatre tasses favorites, alors elles sont plus faciles à ranger dans le placard, à prendre, et je prendrai plaisir à boire mon thé à chaque fois vu qu'il ne reste que mes tasses favorites.
Ce n'est qu'un exemple parmi d'autres pour montrer en quoi on peut vivre mieux avec moins. Votre intérieur est plus épuré, mieux rangé, plus facile à nettoyer. Vos finances sont dans un état plus sain, parce que cette jolie tasse à thé dans le magasin ne vous fera plus autant envie, vu la gratitude que vous ressentez pour celles que vous avez choisi de garder.
Enfin, cet état d'esprit peut tout à fait s'adapter au minimalisme mental : les distractions de l'esprit et le nombre d'activités dans une journée. Comme je l'ai déjà souligné sur la nife : faites-en moins, mais faites-le bien. Et d'après la philosophie japonaise, cela vous permettra de mieux profiter de ce que vous aurez choisi de faire.
Le rangement à la japonaise
Dans le domaine du minimalisme japonais, une mouvance très en vogue est le conseil en rangment. La plupart d'entre nous connaissons maintenant Marie Kondo et sa Magie du rangement. Mais il existe plein de consultants en rangement au Japon, qui appliquent, parfois inconsciemment, la culture de leur pays à leur manière de ranger leur intérieur. Par exemple, je vous ai déjà parlé de Hideko Yamashita et la méthode Danshari.
Le point commun de ces méthodes de rangement à la japonaise, c'est qu'elles commencent par un tri drastique. En d'autres termes, avant de trouver un moyen d'organiser vos possessions, ces consultantes vous suggèrent d'abord de les réduire à l'essentiel. Une fois vos objets triés, ils seront bien plus faciles à organiser, puis votre logement sera plus facile à maintenir propre et rangé. On est bien loin des photos de catalogue Ikéa, pleines de bibliothèques remplies du sol au plafond, de meubles dans les moindres recoins et de bibelots sur chaque surface disponible.
Marie Kondo suggère de rassembler toutes vos affaires d'un certain type au même endroit. Puis, demandez-vous si ces objets vous apportent de la joie. En d'autres termes, vous apportent-ils de la valeur, soit par leur utilité, leur esthétique, les bons souvenirs qu'ils évoquent...
Hideko Yamashita, quant à elle, propose de ne garder que les objets que vous utilisez ici et maintenant. Pas les objets utilisables mais qui ne vous sont pas utiles à vous. Pas les objets issus d'un passé révolu. Pas les objets porteurs d'espoirs possibles dans le futur. Ici et maintenant.
Ce ne sont que deux exemples de conseils pour trier à la japonaise, mais la philosophie reste la même. Décidez quel est votre essentiel, et supprimez tout le reste.
Au-delà du matériel
Le minimalisme à la japonaise apporte bien plus qu'un appartement désencombré. La philosophie de choisir son essentiel et ôter le superflu de nos vies peut s'appliquer à tout le reste. Réduisez à l'essentiel afin de vraiment apprécier les objets, moments et personnes de votre vie. Et par l'exercice de définir quel est votre essentiel à vous, vous apprenez, par la même occasion, à vous connaître vous-même, vos goûts, vos priorités et vos aspirations.
Dans le livre L'essentiel, et rien d'autre, l'auteur japonais Fumio Sasaki raconte son cheminement vers le minimalisme. Pris dans un cercle vicieux que beaucoup d'entre nous connaissent dans le monde moderne, Fumio Sasaki était insatisfait de sa vie. Il se comparait à ses collègues et s'enfermait dans un cercle vicieux d'échappatoire en accumulant les objets, en buvant de l'alcool et en jouant excessivement aux jeux vidéo.
Ensuite, il explique comment le minimalisme, en l'amenant à se demander quel est son essentiel, et en réduisant les distractions, lui a permis de briser ce cercle vicieux. Peu à peu, il a compris que ses collections d'objets ne définissaient pas son identité. Que la comparaison avec les autres était inutile et n'apportait que tristesse et frustration. Il a également pris conscience de ce qui était vraiment important dans sa propre vie. Puis il a appris à faire de la place pour ces choses en éliminant tout le reste.
Ainsi, il a éliminé la vaste majorité de ses possessions et il a pu s'installer dans un appartement plus petit et moins cher. Il a éliminé les comportements délétères (trop boire par exemple) pour faire la place aux projets qui comptaient pour lui, y compris l'écriture de ce livre sur le minimalisme. Puis, sa vie s'est drastiquement améliorée. Comme le prône la philosophie japonaise de l'essentiel, Fumio Sasaki a appris à ressentir de la gratitude, de l'appréciation et un profond sentiment de légèreté et de liberté.
Si vous avez envie de lire un exemple concret de ce que le minimalisme à la japonaise peut vous apporter, au-delà d'un appartement propre et rangé, je vous conseille vivement la lecture de ce livre.
Le minimalisme japonais en audio
J'ai enregistré une Bulle Nomade pour accompagner cet article : j'y aborde le même sujet, du minimalisme japonais, mais sous un autre format : celui d'une discussion informelle. Si vous appréciez l'écoute de podcasts et que vous voulez en savoir plus sur le sujet, exprimé d'une manière un peu différente, je vous invite à la découvrir !
Listen to "Bulles Nomades" on Spreaker.
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Et vous, comment comprenez-vous la philosophie japonaise de l'essentiel ? Avez-vous trouvé des moyens de vivre mieux avec moins, tout en vivant dans notre monde moderne? Si vous avez des trucs et astuces à partager, je serais ravie de les découvrir en commentaire !
Réduire, c'est apprendre à désencombrer le superflu pour faire la place à l'essentiel. Trier ses objets mais aussi ses distractions pour libérer son espace et son temps. Pour moi, c'est aussi se tourner vers une consommation responsable et agir au quotidien pour s'accorder peu à peu avec ses valeurs éthiques et écologiques.
C'est un vaste sujet qui me passionne. J'ai commencé à sentir ce besoin de revenir à l'essentiel, d'arrêter de combler un vide par des possessions il y a quelques années, j'ai lu le livre de Marie Kondo, j'ai fait un grand tri dans mes affaires et dans ma vie pour n'en retenir que l'essentiel.
Mon intérieur est vide comparé à ceux de mes amis. Je n'ai que ce dont j'ai besoin, que des objets que je chéris. J'ai réduit mes dépenses au minimum pour me permettre de vivre de la photographie dans une ville que j'aime. Et je pensais que ça en resterait là.
Mais avec le temps, j'apprends que l'essentiel n'est pas figé. Cette image de l'essentiel est plus que personnel et comme nous, elle change dans le temps. Alors que dans le film que je me fais, l'essentiel serait de lire le matin (chose qui m'a beaucoup plu un temps). Je me rends compte que ce n'est pas pour moi maintenant. Que l'essentiel peut aussi de passer une soirée à binge-watcher une série.
Le plus dur est de trouver la réponse à cette question : qu'est-ce qui est vraiment essentiel pour moi en cet instant? Et d'accepter la réponse sans culpabiliser.
Si j'avais un conseil à donner, ce serait de se priver de quelque chose pendant un temps pour mesurer à quel point c'est essentiel pour nous. J'annule mon compte Netflix de temps en temps pendant 3-4 semaines, et j'éprouve une vraie joie de pouvoir regarder toutes ces histoires. Alors que je me culpabilisais d'être "accro" à des séries, je réalise qu'en fait c'est essentiel pour moi de me plonger dans les histoires des autres (pendant cette diète, j'ai remplacé les séries par des podcasts).
C'est toujours un plaisir de te lire et de réfléchir avec toi, même si j'ai été plus silencieuse ces derniers mois.
C'est une approche intéressante, assez inspirante. Je voulais juste signaler qu'il est faux, à mon avis, d'associer le consumérisme et l'opulence à l'Occident (même si c'est effectivement la culture qui domine actuellement). Personnellement, j'ai été marquée par des philosophies occidentales qui prônent aussi, à leur manière, la simplicité : l'épicurisme, par exemple (qui est bel et bien un ascétisme), et même le christianisme, qui consiste à la base dans le culte de la pauvreté...
Concernant les objets, j'essaie de "n'en avoir qu'un que j'aime" pour certains qui comptent vraiment. Mais, pour la plupart (comme des tasses à thé), il ne me serait même pas venu à l'esprit d'avoir "moins de plaisir" parce que la tasse est moins jolie. LOL J'ai un amour des choses laides, je crois. En fait, je n'éprouve jamais de désir ou de caprice pour des choses; je ne vois jamais un objet en me disant "je le veux". D'ailleurs, je déteste magasiner. J'ai toujours la sensation de n'avoir besoin de rien. :-)
Toujours un article agréable à lire et qui nous apprend tellement. Cette philosophie est intéressante, même si j'ai appris et compris il y a peu que je suis quasi incapable du minimalisme mental de par ma façon de fonctionner, à toujours penser en arborescence, mille pensées à la fois, mille sensations (heureusement je ne suis pas la seule^^). Mais j'aime beaucoup cette philosophie, ne serait-ce que pour la paix extérieure qu'elle peut apporter en attendant de trouver une paix intérieure^^
Hier matin j'écoutais Edouard Baer sur Radio Nova qui disait : "La sagesse ce n'est pas de vouloir ce qu'on aime mais d'aimer ce que l'on a" et je trouve que cela va très bien avec ton article. Et il termine en plus par "L'avenir commence tout de suite", ce qui m'a fait de nouveau penser à ton précédent article sur l'importance du moment présent. Je te remercie de m'avoir fait découvrir le haiku, ce concept de poésie minimaliste me plait beaucoup et j'adore également ta phrase : "En ôtant le superflu, on met l'essentiel en valeur, on le sublime." que je trouve très belle :) En lisant des interviews de musiciens / producteurs, beaucoup donnent le même conseil "Less is more" que l'on pourrait traduire par "moins c'est mieux". Je pense que cela peut facilement s'appliquer à tous les arts et à la vie en générale. Une petite astuce pour les achats c'est d'attendre un mois (ou quelques semaines) avant d'acheter l'objet que vous souhaitez. Je me suis rendu compte que j'étais souvent influencé par les vidéos marketing (notamment dans le domaine de la musique) où je me disais "Ah c'est super comme nouveauté ! Grâce à cet objet je vais améliorer mes créations !". En fait, en patientant pendant plusieurs semaines je me compte compte que ces objets ne sont pas nécessaires, que j'en ai pas nécessairement besoin, qu'ils ne me font plus envies et surtout qu'ils ne me correspondent pas forcément. Le minimalisme est un concept très important pour moi, que je trouve vraiment essentiel pour mieux vivre le moment présent et se concentrer sur ce que l'on a déjà et en profiter pleinement. Merci pour ton article !
@Delphine : C'est vrai que le sujet est très vaste, et qu'on ne peut que l'effleurer à travers un article de blog :) C'est une réflexion très pertinente, l'idée que non seulement l'essentiel est propre à chacun, mais aussi qu'il change avec le temps. Merci d'avoir partagé cette réflexion ! En tout cas, je te rejoins tout à fait sur l'idée de ne pas culpabiliser pour les choses que l'on apprécie de faire, que ce soit regarder des séries ou autre chose.
Pour moi, le problème n'est jamais l'activité en elle-même, mais pourquoi on la pratique. Si c'est un moment de plaisir prévu et assumé, ce n'est pas la même chose que lorsque c'est une activité d'échappatoire, dans laquelle on se distrait pour éviter ses propres émotions par exemple.
En tout cas, je te rejoins à 100% sur les séries Netflix, je prends grand plaisir à me plonger dans toutes ces fictions moi aussi (et c'est une bonne idée la privation temporaire pour voir si quelque chose nous manque vraiment, merci du conseil ;) )
@Jeanne : Merci pour ton retour Jeanne! Mon parallèle avec l'Occident dans cet article résidait surtout dans l'esthétique, plutôt que dans le consumérisme en soi. C'est notre société moderne qui est consumériste, et elle l'est tout autant en Occident qu'au Japon. Et effectivement, on retrouve dans certains préceptes religieux ou philosophies occidentales l'idée de simplicité et de sobriété. D'ailleurs, je pense que les générations précédentes dans nos pays étaient bien plus "minimalistes" que maintenant, même s'ils ne collaient pas cette étiquette à leur vie, c'était simplement leur quotidien normal.
En tout cas, si tu as identifié que les objets en eux-mêmes ne t'apportaient aucune joie, tu as bien raison de ne pas en acheter ^^ Après tout, le principe de réduire à l'essentiel, c'est bien de commencer par définir ce qui est essentiel pour soi ;)
@Ellie Vie : Ah, comme je te comprends! Moi aussi, je pense en arborescence et j'ai toujours mille idées qui tourbillonnent dans ma tête ! Mais j'ai découvert avec les années que ce n'était pas incompatible avec le désencombrement mental : quand je supprime les sollicitations publicitaires par exemple, les infos qui ne m'intéressent pas et autres choses du genre de ma vie, cela laisse plus d'espace dans mon esprit pour les mille idées qui, elles, m'intéressent ;)
@Nicolas : Merci pour ton retour complet et intéressant Nicolas ! C'est vrai que le marketing œuvre dans plein de domaines de notre vie, y compris des loisirs ou activités qui, elles, nous sont essentielles.
Je me souviens, quand j'ai commencé la course à pied par exemple, je me suis rendu compte que dans ce milieu aussi, il y a des marques "tendances", des accessoires "indispensables", et en fait tout un marché pour faire dépenser de l'argent aux gens qui voudraient courir régulièrement. C'est vrai que dans ce genre de cas, c'est important de ne pas confondre l'activité ou le centre d'intérêt, qui lui peut être essentiel, avec tout le marketing et les objets qu'il y a autour...